"Les cancers ont doublé en 25 ans"
À l’occasion de la Journée mondiale contre le cancer, le 4 février, le professeur Guy Launoy, chercheur en santé publique, fait un point sur la première cause de mortalité en France.
Quel état des lieux peut-on faire sur le cancer en France ?
Ces 25 dernières années, les cas de cancer ont doublé. On découvre environ 350 000 nouveaux cas chaque année, davantage chez les hommes que chez les femmes.
A quoi est-ce dû ?
Cette hausse a plusieurs causes. C’est dû au fait que la population française est de plus en plus nombreuse et que l’on vit de plus en plus vieux. De plus, un quart des nouveaux cas sont dus à l’évolution de la pratique des soins : on diagnostique et on dépiste de mieux en mieux, notamment les cancers du sein et de la prostate.
Si le dépistage est vraiment utile pour le cancer du sein, cela est moins sûr pour la prostate, car on ne constate aucune baisse de la mortalité par cancer de la prostate chez les hommes. Le risque est même de traiter des hommes pour un cancer qui évolue très lentement et qu’ils n’auraient peut-être jamais eu !
N’oublions pas qu’en plus ce traitement n’est pas dénué d’effets délétères : les trois quarts des hommes qui ont suivi ce traitement deviennent impuissants, 20 à 30% sont incontinents. Une autre raison de cette hausse est l’augmentation des facteurs de risque, liés aux comportements des Français : le tabac, l’alcool, la malbouffe, la sédentarité, le manque d’exercice physique, etc.
A cela il faut ajouter des facteurs de risque environnementaux, qui seraient responsables de 8 à 10% des cancers. La plupart sont liés au travail : présence de solvants, de métaux lourds, etc. Et puis il y a tous les facteurs dont on ne connait pas vraiment l’impact comme la téléphonie mobile, la pollution automobile, tous les polluants liés à l’eau, à l’air, à l’alimentation… Un cancer est toujours multifactoriel.
Y a-t-il des cancers dont le nombre diminue ?
Oui, celui de l’œsophage par exemple, ce qui s’explique par la modification des comportements alimentaires et alcoolo-tabagiques au sein de la population. En revanche, et c’est inquiétant, les cas de cancer du poumon augmentent fortement chez les femmes alors qu’ils se stabilisent chez les hommes. C’est même devenu chez la femme le troisième cancer le plus fréquent après celui du sein et des intestins. On en découvre 7000 nouveaux cas par an.
Quels sont les progrès de la recherche ?
Ils sont constants, et se manifestent dans la survie des personnes atteintes de cancer. Aujourd’hui, on guérit une personne sur deux, et on obtient une survie à cinq ans de certains cancers formidable !
Par exemple, le cancer du sein a un taux de survie de 80% à cinq ans, 94% pour celui de la thyroïde. En revanche, ce chiffre chute à 12% pour le cancer de l’œsophage, à 15% pour celui du poumon, et reste bas pour le foie et l’estomac.
Grâce à la recherche, l’imagerie et la chirurgie ont été nettement améliorées : on localise mieux où agir donc le traitement est beaucoup plus efficace, même chez des personnes très âgées. On sait aussi aujourd’hui combiner les traitements et pratiquer des thérapies ciblées, en fonction des caractéristiques du patient. Tout cela fait que l’image du cancer s’est vraiment transformée ces derniers 15-20 ans.
Quels sont les défis de la recherche ?
La France a du retard sur les anglo-saxons concernant la recherche sur la qualité de vie des personnes qui ont survécu à un cancer. Le plan cancer 2 affiche aussi les priorités de la recherche : mieux relier les recherches fondamentale et appliquée, de manière à ce que les patients puissent profiter au plus vite des avancées effectuées en labo, mais aussi insister sur la prévention, le dépistage organisé –gage de qualité - et dénicher les inégalités sociales qui jouent dans l’apparition des cancers.
L’Association pour la Recherche sur le Cancer (ARC) lance un dispositif novateur baptisé "L’ARC vous connecte aux chercheurs". Pendant deux mois, le public peut entrer en contact direct avec les chercheurs à travers une plateforme dédiée.
Metrofrance
Alexandra Bogaert - http://www.metrofrance.com