la gastronomie contre

Fini les potages légers et le poisson au court-bouillon traditionnellement servis aux malades. Des bâtonnets de sorbets aux légumes, du fromage frais en gelée de tomate ou des cannellonis de mangue ne seraient-ils pas plus agréables à l’œil et au palais ?

Lors de la Conférence européenne sur le cancer (ECCO) qui s’est tenue à Barcelone le 23 septembre 2007, un bataillon de cuisiniers dirigé par Ferran Adrià a proposé aux médecins comme aux patients atteints d’un cancer une alimentation à la fois saine, appropriée à cette maladie et imaginative.

Le cancer entraîne souvent, entre autres conséquences, une perte d’appétit et des difficultés d’alimentation, telles que des problèmes de déglutition ou des troubles digestifs. Il n’est donc pas rare que l’alimentation des malades finisse par être peu variée et fade. La fundación Alicia de alimentatción y ciencia, créée par Ferrari Adrìa et qui regroupe des chefs cuisiniers, veut remédier à cela.

Après avoir travaillé à la promotion d’une alimentation saine pour le cœur avec le cardiologue Valentí Fuster, elle s’est intéressée au cancer. Son but : donner des idées pour améliorer l’alimentation des malades. En cas de perte d’appétit, par exemple, nos maîtres queux conseillent des petites portions, pour que le malade n’ait pas l’impression d’avoir trop à manger, tout en veillant à ce que ces portions aient une présentation soignée, du goût et apportent beaucoup de protéines, précise Marc Puigpey.

Comme une écume au chocolat, un cannelloni de mangue à l’émincé de poisson accompagné de fruits frais, ou du fromage frais en gelée de tomate. Lorsque les patients souffrent de plaies buccales ou de problèmes de salivation, il vaut mieux proposer des aliments mous, faciles à avaler et qui favorisent la production de salive – les nouvelles textures peuvent ici s’avérer très utiles, explique Adrià-, comme un velouté à l’orange ou un simple bouillon de légumes que l’on présentera sous la forme d’esquimaux. « Tous ces plats sont faciles à préparer » affirment leurs créateurs. En revanche, mieux vaut éviter par exemple les fruits secs, plus difficiles à avaler.

Puigpey propose également de jouer l’originalité, avec des brochettes d’ananas ou de melon à la plancha, agrémentées de caramel si on le désire. Une autre astuce consiste à avoir recours aux épices, les malades trouvant souvent moins de goût aux aliments en raison des traitements qu’ils subissent.

Selon Ferran Adrià, la Fundación Alicia veut enseigner certains des trucs des meilleurs cuisiniers pour que tout le monde, des enfants aux malades, bénéficient d’une meilleure alimentation. Josep Baselga, cancérologue et vice-président de la Conférence européenne, a expressément tenu à faire connaître ce projet aux spécialistes du cancer. L’objectif était d’expliquer les meilleures techniques de cuisson pour que les aliments restent tendres sans perdre leur saveur ni leurs qualités nutritives, comme la papillote ou la vapeur, et de conseiller des aliments et des recettes. Par exemple, si le malade a envie d’un steak, on pourra lui en proposer une petite portion, accompagnée d’une gelée.

Marta Ricart, La Vanguardia, Barcelone - Courrier International n°884