Face à la maladie, trouver les mots justes
"Cathéter", "marqueur", "fatigue", "soignant", etc. : ces mots, perçus comme obscurs ou décourageants, font souvent peur. A l'inverse de "guérison", "confiance" ou "temps"... Au total, quarante-deux mots sont répertoriés dans les trois tomes de L'Alphabet des mots du cancer, réalisé par le laboratoire Merck Serono et piloté par Jean Pruvost, lexicologue et professeur de linguistique à l'université de Cergy-Pontoise (Val-d'Oise).

Ces trois livres, disponibles gratuitement dans les associations et hôpitaux spécialisés, visent "à rapprocher médecins et patients grâce à un vocabulaire commun et partagé", explique le docteur Monique Morali, qui dirige le département oncologie de Merck Serono. L'idée est de changer le regard sur la maladie. Le dialogue entre médecins et patients est parfois difficile, les spécialistes pensant maladie et thérapie, tandis que les patients, notamment les enfants, évoluent dans un registre plus émotionnel. Le but de ces ouvrages : trouver les mots justes ; et que le médecin ne considère pas le patient comme un malade, mais comme une personne.
"Les mots sortaient comme des bulles de la bouche d'un homme que je ne voyais pas. C'était une blouse blanche avec une bouche qui s'ouvrait et se fermait. A un moment, je lui ai dit : "Parlez-moi français"", écrit Martine, patiente du centre René-Huguenin à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) à propos du mot "éligible". A chaque définition sont associés des textes de patients adultes et des dessins d'enfants malades. Le sens médical d'"éligible" ("élu" pour une thérapeutique donnée) n'est entré dans le dictionnaire qu'en 2010. Au mot "cathéter", un enfant suivi par l'association Un hôpital pour les enfants, à Poitiers, a dessiné un chat et une terre. Le mot n'a fait son entrée dans Le Petit Larousse qu'en 1959, explique Jean Pruvost.
Quant au mot "cancer", "une maladie créée par l'astrologie", selon la définition d'un enfant, la première définition en a été donnée par le Furetière en 1690. Il trouve son origine dans le grec karkinos, à l'origine du mot latin cancri, désignant une écrevisse. "Ce mal a grand rapport avec cette sorte de poisson", écrivait Antoine Furetière (1619-1688). C'est dans Le Petit Larousse illustré de 1982 qu'entre le terme "oncologie" et "cancérologie", précise Jean Pruvost.
Le Monde
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