Début novembre, la société Newpharma annonçait – avec tambour et trompette – le lancement de la première pharmacie sur internet. Ses patrons n’attendaient que la publication, soit disant imminente, d’un arrêté royal pour débuter leurs activités. Ce texte légalisait la vente sur internet de médicaments ne nécessitant pas de prescription (OTC), à condition de respecter toute une série de conditions.
Deux mois et demi plus tard pourtant, la première pharmacie virtuelle du pays n’a toujours pas vu le jour. Sur le site de Newpharma, le consommateur ne trouve que des produits de beauté, de soin ou de minceur… La liste des médicaments disponibles a disparu. La page a été retirée temporairement à la demande de l’Agence fédérale des médicaments.
L’arrêté royal n’a en effet toujours pas été publié. À l’Agence du médicament, on estime que les promoteurs du site ont mis quelque peu la charrue avant les bœufs. « Le texte a été adopté fin septembre en première lecture au conseil des ministres, explique Ann Eeckhout, porte-parole. Mais il a ensuite été envoyé au Conseil d’état, puis a dû être approuvé en seconde lecture. Cela a seulement eu lieu fin décembre ». La crise politique étant passée par là…
En réponse à une question parlementaire du député écolo Georges Gilkinet, la ministre de la Santé Laurette Onkelinx a précisé la semaine dernière que cet arrêté serait publié au cours de ce mois. Il faudra ensuite attendre 10 jours pour son entrée en vigueur.
En attendant ce texte dont on parle depuis des années, la forme exacte que doit prendre la pharmacie en ligne dans notre pays continue à susciter le débat au sein de la profession et des pouvoirs publics. Il faut dire que le sujet est sensible et les craintes nombreuses : dérives liées à l’automédication (surconsommation, mauvais usage…), négation du rôle de conseiller du pharmacien…
Fort logiquement, Newpharma.be essuie les plâtres. L’Agence fédérale du médicament a ainsi demandé aux promoteurs du site de supprimer le classement des médicaments en fonction de leurs usages et de s’en tenir à un simple classement alphabétique. Exit les catégories : médicaments contre la toux, antidouleurs, antiallergiques…
L’Agence a estimé qu’il s’agissait d’une publicité indirecte pour le médicament, ce qui est interdit par la loi. Dans la même logique, elle a demandé aux responsables de Newpharma de supprimer du site toutes les photos de boîtes de médicaments. Des demandes que Laurent Detry, le pharmacien qui a fondé Newpharma, comprend difficilement.
« Dans une pharmacie classique, les boîtes de médicaments vendues sans prescription sont visibles de tous. Pourquoi ces boîtes sont-elles assimilées à de la publicité sur internet mais pas dans le monde réel ? ».
Quant au classement alphabétique des médicaments, il redoute que cela n’entraîne des confusions chez le client. « Prenons l’exemple d’une maman qui cherche un antidouleur pour ses enfants. Dans une liste alphabétique, elle va se retrouver face à une multitude de références différentes, avec tous les risques d’erreur que cela suppose alors que notre classement comporte une catégorie « médicaments pour les enfants » qui ne laisse aucune place au doute. Cette exigence de l’Agence fédérale du médicament me semble en contradiction avec les déclarations faites à la Chambre par Laurette Onkelinx la semaine dernière ».
Celle-ci a rappelé que les sites de vente en ligne devaient « fournir les renseignements indispensables pour que le patient puisse commander un médicament en connaissance de cause et sans risque d’erreur ». Ces questions de présentation et d’information-publicité devraient normalement être clarifiées dans une circulaire en cours de rédaction qui sera envoyée à tous les pharmaciens du pays lors de la publication de l’arrêté.(Le Soir)
Jean-François Munste - www.lesoir.be