stomie grossesse témoignage

 

Bonjour,

Tout d'abord je vais me présenter. Je m'appelle Catherine et j'ai 41 ans. Stomisée depuis 1993 à la suite d'une maladie de Cohn, je souhaite vous parler aujourd'hui de mes deux enfants qui sont nés en 1995 et en 1998.

Avant l'opération, mon mari et moi souhaitions déjà avoir des enfants, mais avec un corps à 35 Kg et la cortisone, ce n'était pas sérieusement envisageable. Au cours de mon hospitalisation, j'ai fais connaître très clairement mon désir de grossesse et les médecins ont limité les expositions aux rayons X au strict minimum.

Par la suite, j'ai consulté mon gastro-entérologue qui m'a mis en garde contre les risques de stérilité dus aux nombreuses infections du bas ventre mais n'a pas donné de veto par rapport à une grossesse avec la stomie.

Mon Gynécologue, qui n'avait pas d'expérience en ce domaine, s'est rangé à l'avis de son collègue.

Avec mon mari nous avons donc envisagé la possibilité que je ne puisse pas être enceinte. Il refusait l'adoption, je pense qu'étant de parents agriculteurs, il voulait absolument voir pousser sa graine à lui, quitte à découvrir par la suite que c'était de la mauvaise graine... Quant à moi, il était hors de question d'envisager une quelconque aide médicalisée... j'avais vu assez de médecins et d'hôpitaux!!! En fait nous n’avons eu recours à aucune technique spéciale, du moins pas médicale…le reste serait plutôt pour le thème stomie et sexualité…

Stomie et grossesse... que dire. En fait pour moi et ce qu'il y a de merveilleux, c'est qu'il n'y a rien à dire.

J’ai eu une grossesse absolument magnifique, d’ailleurs s’il n’y avait pas des enfants à élever après, je crois que je remettrais ça tout de suite…. un petit dernier pour la quarantaine comme Céline Dion… non, avec deux ados à la maison, plus envie de pouponner !

Je n'ai pas eu de problèmes particuliers, si ce n'est vu ma taille et la grosseur de mon ventre, la stomie arrivait pile poil au niveau de la poignée du caddie et c'était parfois désagréable de faire les courses.

La stomie n’est pas plus visible sous les vêtements qu’en temps normal, mais quand on est enceinte, les gens ne vous regardent plus comme une femme, mais comme une future maman. Ils se permettent donc souvent de vous toucher le ventre sans même vous demander votre avis. C’était donc parfois un vrai jeu de réflexe de se tourner au bon moment pour que la main vienne toucher le magnifique futur bébé en évitant la stomie.

Pour les soins et le changement de poche, il fallait là aussi faire preuve d’une certaine souplesse. En effet, imaginez un instant…. J’étais vers le 6e mois déjà, aussi large que haute et je n’avais qu’un vague souvenir de mes doigts de pieds, que je ne pouvais que deviner quelque part là en-bas. Donc pour vérifier que le nettoyage de ma stomie était bien fait, j’ai eu recours à une grande marque de dentifrice qui avait eu l’idée géniale à ce moment là, d’offrir un petit miroir recourbé, comme utilise les dentistes avec l’achat d’une brosse à dent. Ce merveilleux instrument me permettait de voir en-dessous de mon ventre des détails qui avaient momentanément disparus.

Pour le suivi médical, l’hospitalisation et l’accouchement, je fus traitée comme une reine, une poupée de porcelaine. En effet, au lieu d’avoir droit au traditionnel "vous êtes enceinte, pas malade", du fait que je sortais de leur spécialité habituelle, ils me traitaient tous avec beaucoup de délicatesse et d’attention, ce qui était très agréable.

Bien sur il y a eu quelques moments épiques. Lorsque la sage-femme m’a donné un laxatif à prendre à mon entrée en clinique, j’ai refusé et elle m’a alors menacé d’un lavement…. Je lui ai répondu « chiche !». La pauvre jeune fille qui venait tous les matins me demander de prendre ma température ailleurs que sous les bras, était systématique embarrassée par mon manque de possibilité dans ce domaine !

Un mois avant d’arriver à terme pour Jean, mon premier, j’ai eu des contractions et le médecin a décidé que c’était trop tôt, m’a mis en arrêt et m’a bourrée de cachets qui me donnait l’air d’un zombie. Ensuite il a stressé parce que mon bassin était peut-être trop étroit, mais la radio disait que non. Il voulait absolument éviter la césarienne pour que mon ventre ne soit pas coupé en deux une fois de plus.

Arrivée à terme, j’ai été hospitalisée pour dépassement de terme et condamnée à un monitoring toutes les 2 heures pour surveiller le bébé. Heureusement que ma voisine et amie avait accouché dans la même clinique et je passais mon temps à papoter avec elle, mais ensuite elle est rentrée et les sage femmes qui devaient en avoir marre de moi, m’ont demandé de déambuler dans les couloirs avec ma potence pour accélérer cet accouchement qui ne venait pas. Je voyais rentrer les femmes enceintes, puis repartir en maman heureuse en me saluant d’un « encore là vous ? ».

J’ai exigé d’être libérée pour le week-end, j’ai obtenu le dimanche en promettant d’être sage et de retour pour le dîner. Nous sommes allés avec des amis au restaurant situé au 5é étage de l’aéroport et après le café j’ai obligé tout le monde à descendre par les escaliers, moi en tête et à pieds joints !

Finalement cette nuit là vers 3:00 du matin, je perdis enfin les eaux ! 12 heures plus tard après d’âpres négociations, j’obtins une biscotte sans sel et un thé noir… je ne sais pas vous, mais moi quand j’ai faim je deviens de très très méchante humeur. Les contractions je ne m’en souciais guère… mais le manque de nourriture !!!! Mon très cher époux s’absenta alors un moment sous un prétexte fallacieux…. Mais j’ai bien senti à son retour l’odeur du Big Mac et des frites !!!!

Ensuite il y a eu la pause de la péridurale que je craignais, mais qui s’est bien passée et enfin, au bout de 24 heures après la perte des eaux, la décision de la césarienne. J’ai expliqué à l’anesthésiste que je n’avais rien contre, mais qu’il était hors de question que j’y assiste et que je voulais une anesthésie générale ! Il m’a convaincu que c’était mieux pour le bébé ainsi. La naissance de Jean était très rapide, la couture de mon ventre fut beaucoup plus longue et c’était un peu bizarre d’entendre les médecins parler de leurs vacances de ski pendant qu’ils travaillaient sur mon ventre !

Pour le deuxième, le début de la grossesse fut un peu moins agréable car la prise de sang du 3e mois avait décelé un risque de trisomie et j’ai du subir une amniocentèse. C’était très difficile car nous étions en pleine période de l’avent et à chaque fête de noël, j’avais du mal à sourire aux félicitations, ne sachant si j’allais mener cette grossesse à terme. Au bout de quatre semaines, j’ai enfin su que j’attendais un petit Luc en parfaite santé.

Pour l’accouchement, j’étais un peu mieux préparée. Nous sommes rentrés de chez des amis, et Bernard qui avait travaillé très tard et n’avait que peu mangé était ravi de pouvoir enfin se coucher. Il a pu s’endormir, enfin juste fermer les yeux, quand je l’ai réveillé pour lui dire que j’avais perdu les eaux, et que non, ça ne pouvait pas attendre demain. J’ai téléphoné à mes parents pour qu’ils puissent prendre Jean en charge et je me suis installée devant un méga bol de thé noir bien sucré, histoire de prendre des forces !

J’étais la seule à accoucher ce soir là, et j’avais donc de la compagnie très régulièrement, ce qui permettait au futur papa de dormir tranquillement sur la chaise à côté du lit. Je l’ai secoué quand la première injection de péridurale n’a plus fait effet et que j’ai senti venir de fortes contractions, puis dès la deuxième injection, je l’ai laissé se rendormir.

Au bout de 12 heures, le bébé arrivait et les sages femmes me motivaient en me disant, allez on y va, poussez, on va éviter la césarienne cette fois ci ! Puis tout le monde s’est affolé, on m’a endormi et je me suis réveillée au son de mon cœur sur la machine. A peine le temps de me demander ce qui s’était passé et Bernard arrivait pour m’expliquer qu’ils avaient sorti le bébé aux forceps et que « c’était le même en plus poilu !!! »

Donc 24 heures puis 12 heures, le troisième se serait sans doute plus que 6…. Mais bon, les statistiques ce n’est pas très fiables….

Bien sur, j’ai eu la chance de pouvoir être enceinte parce que je n’avais aucun problème médical à ce niveau là et aussi l’homme idéal dans ma vie, mais sûrement aussi parce que ma stomie ne m’a jamais empêchée de vivre.

En plus d’être épouse et mère deux ados (j’insiste mais vraiment c’est le bel âge…), je suis membre active de plusieurs associations dans mon village, conseillère municipale dans un deuxième mandat, salariée à 40% et à mon compte le reste du temps.

Quoiqu’il arrive, ne regardez ni votre nombril, ni votre stomie, la vie est ailleurs, elle est dans vos rêves et dans vos réalisations. Ne laissez jamais votre stomie vous arrêter dans vos projets.

Catherien Barichello

Catherien Barichello