En Belgique, contrairement à d'autres pays, les officines détiennent le monopole de la vente des médicaments. Les magasins Kruidvat veulent obtenir l'autorisation de vendre des analgésiques. L'APB souligne le rôle crucial du pharmacien.
Allons-nous un jour, en Belgique comme c'est déjà le cas dans certains pays, voir apparaître dans les grandes surfaces ou les drogueries des médicaments non soumis à prescription ? Si, pour l'heure, il n'en est pas question, il semble que cette évolution ne déplaise pas à certaines enseignes.
En déclarant il y a peu qu'elle "brise le monopole d'un grand nombre de produits de santé", la chaîne Kruidvat annonçait la couleur.
Sur son site, la marque néerlandaise renchérit : "Pour l'instant, Kruidvat ne peut commercialiser les analgésiques comme par exemple le paracétamol en Belgique, du moins par encore. Et pourtant, dans les pays voisins, la vente de ces produits en dehors du circuit pharmaceutique a un effet bénéfique sur les prix à la consommation". On peut encore y lire : "Par conséquent, Kruidvat souhaite émettre une demande pour que la législation en la matière soit adaptée, afin que le consommateur belge puisse également acheter ses analgésiques à meilleur prix".
Et l'on invite dans la foulée les consommateurs défendant cette idée et voulant soutenir la chaîne à le faire savoir via le site.
Autant dire que l'initiative n'est pas accueillie avec bonheur du côté des pharmaciens qui, ce dit en passant, détiennent uniquement le monopole des médicaments, et non des "produits de santé", comme l'affirme Kruidvat. Il y a plus d'une quinzaine d'années en effet que certains "produits de santé", qu'il s'agisse de nutriments ou autres produits de parapharmacie, sont disponibles hors officines.
"En Belgique, il n'y a aucune raison de casser ou même de remettre en cause le monopole de la vente des médicaments en pharmacie, soutient Anne Lecroart, secrétaire générale francophone de l'Association pharmaceutique belge (APB), et nous nous défendrons corps et âme, simplement pour des raisons de santé publique. Nous sommes d'ailleurs soutenus sur ce point par la ministre Laurette Onkelinx ainsi que par l'Agence fédérale du médicament ou encore par l'association Test-Achats".
Les arguments avancés sont les suivants : "D'abord, le consommateur belge n'est pas demandeur, selon Anne Lecroart, qui rappelle qu'il y a proportionnellement beaucoup moins d'officines aux Pays-Bas que chez nous, "ce qui justifie chez eux l'ouverture d'autres circuits afin de permettre l'accessibilité des médicaments à un plus grand nombre de patients". Avec une pharmacie pour un peu plus de 2 000 habitants, la Belgique est en effet longtemps restée, derrière la Grèce, le deuxième pays en nombre d'officines par habitant, avant de figurer en cinquième position depuis l'élargissement de l'Union européenne.
Et non seulement les pharmacies sont nombreuses dans notre petit royaume, mais en plus elles sont, selon l'APB, bien réparties sur l'ensemble du territoire.
"Ensuite, si Kruidvat lance une pétition en pointant du doigt le prix des médicaments, poursuit Anne Lecroart, sans doute ne se rend-t-elle pas compte qu'elle risque de mettre la vie des gens en danger en vendant par exemple du paracétamol, qui reste un médicament avec une toxicité assez importante à long terme".
Pharmaciens en formation
Quant à savoir plus précisément si des accidents sont effectivement survenus dans les pays où certains de ces médicaments sont vendus hors du circuit pharmaceutique, la secrétaire générale de l'APB admet qu'il n'existe ni statistiques ni enquêtes à ce sujet. "Nous ne savons pas si il n'y a pas de problèmes, pas plus que s'il y a eu des problèmes. Il reste néanmoins évident que le rôle de conseiller du pharmacien demeure crucial, ce qui en aucun cas ne peut être assuré par les vendeurs des magasins de type Kruidvat". Si, à la rigueur, en parcourant la notice, ceux-ci peuvent expliquer comment prendre le médicament, "les questions importantes à poser au patient sont de savoir ce qu'il prend déjà comme médicament pour voir les interactions éventuelles mais aussi si le paracétamol, par exemple, est bien le médicament indiqué pour les symptômes décrits et ressentis, nous précise encore Anne Lecroart, or seuls les prestataires de soins diplômés sont habilités à poser ce type de questions sur la vie privée". Encore faut-il que ces questions soient systématiquement posées par le pharmacien, ce qui n'est pas toujours le cas. Mais ce qui devrait l'être à l'avenir dans la mesure où, depuis quelques mois, les trois quarts des pharmaciens belges se sont inscrits à une formation spécifique afin qu'ils assument au mieux leur rôle de prestataires de soins et de conseillers.(La Libre Belgique)
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