Lundi 6 décembre 2010
Plus d'opération des malades du cancer à la Polyclinique : le Dr Perrey s'insurge
Le docteur Perrey opère depuis plus de trente ans à la Polyclinique du Ternois.
Le Dr Francis Perrey a troqué le bistouri contre la plume. Pour écrire à l'Agence régionale de santé, au ministère de la Santé et l'Association pour la recherche contre le cancer... Et l'urologue, qui officie à la Polyclinique du Ternois, a la plume plutôt acerbe. Car il ne peut plus opérer les malades d'un cancer dans l'établissement saint-polois. Faute d'autorisation. Coup de colère et explication...
En octobre 2009, les autorisations d'opérer en cancérologie ont été délivrées dans le Nord - Pas-de-Calais. Et la Polyclinique du Ternois n'a pas obtenu le précieux sésame. La cause ? Un trop faible nombre d'opérations dans ce domaine. En gros, pour chaque spécialité, il faut au moins une trentaine d'opérations par an. Et les chirurgiens de la Polyclinique n'atteignent pas ce seuil. Dans certains domaines, il ne manque pas grand-chose, et un recours a été déposé. Les chirurgiens ont donc continué d'opérer leurs patients.
Sauf qu'à l'Agence régionale de santé (ARS), recours ou pas, faute d'autorisation, pas question d'opérer. Il y a peu, par la voie d'un courrier, l'ARS l'a rappelé à la Polyclinique. Depuis, on a cessé toute activité au niveau de la chirurgie en cancérologie. Ce qui provoque la colère du Dr Perrey. L'urologue opère depuis plus de trente ans à la Polyclinique. « La médecine, ce n'est pas une affaire de quotas », avance le spécialiste, qui n'est pas le seul à ne plus pouvoir opérer. « En chirurgie viscérale, il y a trois praticiens plus moi en tant qu'urologue. » Pour l'ensemble des cancers traités à la Polyclinique (chirurgie digestive, du sein, chirurgie gynécologique et urologique), « on est entre 50 et 100 interventions par an. On n'atteint pas le seuil minimum ». Les malades du cancer n'ont donc plus accès aux blocs opératoires que la Polyclinique met à disposition des chirurgiens. Qui peuvent néanmoins continuer d'opérer, mais ailleurs. « J'avais un patient programmé pour une opération. Je suis en contact avec l'hôpital d'Arras pour l'opérer. »
Ubuesque
« On prend les patients en otage », poursuit le docteur Perrey. Et avec ce système, « on veut dissuader les petits établissements de faire de la chirurgie et on augmente l'activité des grands centres ». Avec des risques d'engorgement, au niveau des blocs. « Les patients vont faire la queue », relève l'urologue. Qui a donc décidé d'écrire aux autorités compétentes. Un courrier dans lequel le docteur Perrey avance que « les patients habitués à leur praticien et lui faisant confiance sont, comme lui, ignorés voire méprisés quant au respect du libre choix du praticien ».
Le médecin, qui devrait prendre sa retraite dans quelques mois, note que « la décision d'interdire l'activité de cancérologie au prétexte d'activité insuffisante fait disparaître une grande partie de l'intérêt professionnel, et donc, comme beaucoup d'autres confrères, je vais sans doute me résoudre à cesser mon exercice alors que, pour l'instant, la relève n'est pas vraiment assurée. » Car si l'intérêt du patient est au coeur des préoccupations du docteur Perrey, celui-ci évoque également l'intérêt professionnel.
« Pour un chirurgien, il est plus intéressant d'opérer un cancer du colon que de faire une appendicite ou une hernie. Il n'y a pas de petite ou de fausse chirurgie, mais dans ce type d'opération, il y a une démarche différente. Ce sont des opérations très lourdes... » L'urologue se dit toujours « passionné » par son métier, mais dénonce un principe « kafkaïen » en ce qui concerne les autorisations d'opérer sur tel ou tel site. Dans les secteurs ruraux, on regrette une sous-médicalisation, un manque de professionnels de santé. À la Polyclinique, pour les malades du cancer, ces professionnels sont là. Mais on leur a retiré les blocs opératoires sur le territoire. Pour un nombre d'actes pas suffisamment élevé.
lavoixdunord Alexis Degroote - http://www.lavoixdunord.fr
|
|
|