L’alimentation participe au bien-être physique mais aussi psychique du patient. Les médecins en sont convaincus alors que la dénutrition reste un problème en clinique. Explications avec un médecin nutritionniste.
Un plateau-repas comme rarement on en voit dans les hôpitaux ! Non pas jamais puisque, de nos yeux, il a été vu, mais ce fut bien à titre exceptionnel. Jeudi dernier en effet, le chef étoilé Yves Mattagne était venu préparer 150 repas hauts en couleurs et en saveurs pour autant de patients de l’Institut Jules Bordet à Bruxelles. C’était à l’occasion de la 5e édition des "101 Tables pour la vie", une opération organisée à l’initiative des Amis de l’Institut Bordet au profit de la recherche contre le cancer.
C’est que - et les médecins en sont bien convaincus - l’alimentation, trop souvent négligée lors des séjours hospitaliers, fait partie intégrante du traitement. C’est un fait : la nutrition contribue au bien-être physique mais aussi psychique du patient.
Convaincue de l’importance de la nutrition dans la prévention du cancer et de ses récidives, le Dr Laurence Plat, médecin nutritionniste à l’Institut Bordet, a souligné, à cette occasion, que "la dénutrition reste un problème majeur à l’hôpital". Définie comme "un état de déficit en énergie, en protéines et en n’importe quel macro ou micronutriment spécifique produisant un changement mesurable des fonctions corporelles et/ou la composition corporelle, associé à une aggravation du pronostic des maladies", la dénutrition touche, selon les pathologies, de 30 à 80 pc des patients hospitalisés. En ce qui concerne le cancer, la prévalence au moment du diagnostic varie de 10 pc, en ce qui concerne la vessie, à 90 pc pour le pancréas. Supérieure à 20 pc pour le cancer du sein, elle avoisine les 40 pc dans le cas du côlon ou de la prostate, les 50 pc pour le cancer du poumon. Elle se situe entre 60 et 70 pc pour les cancers du foie, ORL et de l’estomac et atteint 80 pc pour l’œsophage.
Mortalité et morbidité accrues, moindre réponse au traitement, toxicité thérapeutique augmentée, traitement inapproprié, atteinte fonctionnelle et altération de la qualité de vie sont autant de conséquences de la dénutrition.
Crucial facteur modifiable
Rappelant que 60 à 70 pc des cancers sont évitables dans la mesure où l’on peut intervenir sur les facteurs responsables, le médecin nutritionniste a souligné le fait que le régime alimentaire constitue le facteur modifiable le plus important. On estime en effet que 35 pc des cancers sont liés au régime alimentaire, le tabac intervenant quant à lui pour 30 pc et l’alcool pour 3 pc.
Mais que sait-on au juste des aliments protecteurs ou, au contraire, favorisant la maladie ?
Avec certitude, en réalité, à ce jour, pas grand-chose, malheureusement. "On peut affirmer qu’une consommation importante de viande rouge augmente le risque de développer un cancer du côlon, explique le Dr Laurence Plat, alors que certaines études suggèrent que le poisson joue un rôle protecteur. En ce qui concerne la consommation de graisses, on observe un rapport avec la fréquence d’apparition du cancer du sein." Et à ce propos, la Belgique occupe une place médiocre.
Qu’en est-il de la consommation de fruits et de légumes que l’on ne cesse de promouvoir ? Il conviendrait de parler d’effet protecteur probable. "Une plus grande consommation de fruits et légumes est associée à une diminution de risque de cancer ORL, de l’œsophage, de l’estomac et du poumon, selon le médecin nutritionniste, une consommation importante de tomates et surtout de sauce tomate, pour sa teneur élevée en lycopène, aurait un effet protecteur sur le cancer de la prostate."
En conclusion, on peut encore dire qu’il est probablement raisonnable de conseiller aux patients de suivre un régime pauvre en calories et donc faible en graisses et riches en fruits et en légumes. Toujours selon la spécialiste, il est préférable de manger des aliments riches en vitamines que de consommer celles-ci sous forme de compléments.
"Et si une activité physique régulière doit également être recommandée, toute autre recommandation ne repose sur aucun substrat scientifique", affirme encore le Dr Laurence Plat.
Laurence Dardenne, La Libre Belgique