Les microbiologistes sur la piste d'analyses ultrarapides afin de mieux traiter la bactérie en cause. Comment utiliser les ressources des analyses sanguines pour lutter mieux et surtout plus vite contre les infections nosocomiales, c'est-à-dire les infections que les patients contractent à l'hôpital ? Plus d'une centaine de microbiologistes belges étaient réunis hier à Bruxelles, notamment pour jauger quel bienfait pourraient apporter de nouvelles techniques d'analyses plus rapides, ainsi que la recherche des germes chez un nombre croissant de patients hospitalisés, afin d'endiguer les épidémies qui frappent les services hospitaliers. « Nous testons effectivement pour l'instant dans certains hôpitaux universitaires des méthodes de tests qui peuvent se passer de la traditionnelle mise en culture, un processus mis au point par Pasteur mais qui induit de 2 à 3 jours de délai pour avoir les résultats, dévoile le professeur Marc Struelens, directeur du département de microbiologie de l'hôpital Erasme (ULB) à Bruxelles. Mais ces techniques, qui font baisser ce délai à deux heures, ne sont pas encore assez fiables que pour être substituées aux techniques actuelles. Nous avons espoir qu'elles le deviennent dans un ou deux ans. »
Pour le clinicien, le temps est essentiel pour traiter son patient. Même s'il a du « nez », le traitement empirique ne lui permet pas d'égaler la qualité de celui-ci après une analyse précise. Une étude à l'hôpital Erasme a montré que 63 % des choix de traitement étaient fondés même quand l'urgence empêchait toute analyse, mais que ces taux grimpaient à 94 % en préanalyse (Gram) et 99 % avec un antibiogramme précis. « Nous sommes souvent placés face à un dilemme. Si nous voulons être sûrs de toucher à coup sûr la bactérie qui affecte notre patient, nous prendrons un antibiotique à large spectre. Mais nous prenons le risque de voir se développer une large résistance. Par contre, si nous prenons un antibiotique plus ciblé, il y a moins de résistance et plus d'efficacité. Mais si nous nous sommes trompés de bactérie, les conséquences pour le patient risquent d'être très lourdes, explique le professeur Johan Van Eldere, directeur du centre de diagnostic moléculaire de l'hôpital universitaire de Leuven. C'est pourquoi disposer d'une identification plus rapide de la bactérie sera si précieux. »
La Belgique ne s'en sort pas si mal face aux maladies nosocomiales : entre 1999 et 2006, la double installation de groupes de gestion des antibiotiques dans chaque hôpital et des recommandations de bon usage, en combinaison avec des mesures d'hygiène, ont inversé la tendance lourde à l'aggravation du nombre de cas. De trois cas par mille admissions, on est redescendu à 1,5 cas. Mais cela reste insuffisant : près de 3.400 décès par an sont liés à une maladie nosocomiale, alors que 75.000 patients sont atteints (soit environ 5 % des hospitalisés). Et pour les patients en soins intensifs, certaines maladies deviennent très exposées : sur les 2,3 % des patients atteints d'une infection sanguine (septisémie), un tiers va décéder de la maladie. Outre le drame personnel qu'elles représentent, les maladies nosocomiales ont aussi un coût énorme pour la société : de 9 à 21 jours d'hospitalisation supplémentaires sont nécessaires au malade touché. Ce qui entraînerait, selon le professeur Johan Van Eldere, un surcoût global de 170 millions d'euros par an. « De quoi mieux financer la recherche pour de meilleurs outils d'analyse diagnostique. Or, ce secteur est sous-financé face à d'autres secteurs médicaux », avance Marc Struelens. Qui, au vu des produits actuellement dans le « pipeline » des firmes pharmaceutiques, annonce au moins dix à quinze ans de vaches maigres et appelle à des efforts publics pour financer la recherche. « Nous constatons de plus en plus d'épidémies hospitalières avec des souches qui ne sont plus traitables. Cela reste rare encore, mais la fréquence de ces cas pourrait augmenter. »(Le Soir)
Fréderic Soumois, Le Soir - www.lesoir.be