Maladies de l'intestin : doper la recherche
Parce qu'ils refusent que les maladies digestives restent les parents pauvres de la recherche, des médecins et des scientifiques ont créé la fondation DigestScience. Un véritable enjeu de santé publique dans une région très touchée comme la nôtre.
Elles sont invalidantes. Elles sont chroniques. Elles peuvent être très douloureuses.
Elles restent taboues. Elles ? Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, les MICI comme les appellent ceux qui les soignent et ceux qui, parce qu'atteints, ont bien dû les apprivoiser.
Vivre avec.
« Pour l'instant, que ce soit la maladie de Crohn, les rectocolites hémorragiques, la maladie coeliaque (intolérance au gluten), ce sont des pathologies incurables », rappelle le Dr Bernadette Lemaire, directrice de la fondation DigestScience qui vient d'être lancée à Lille et rassemble des médecins et des scientifiques qui veulent aider la recherche sur ces maladies qui touchent près d'un Français sur cinq.
Le professeur Pierre Desreumeaux, gastro-entérologue au CHRU de Lille, a pris son bâton de pèlerin, est allé frapper à la porte d'industriels de la région ou de laboratoires pharmaceutiques pour trouver les fonds nécessaires au financement de projets de recherche.
Car, pas d'illusions à avoir ici comme pour bien d'autres maladies, les fonds publics sont incapables à eux seuls de financer les travaux de recherche.
« Cette fondation vient renforcer un centre d'excellence qui existe déjà à Lille autour de ces maladies, avec les recherches menées par l'INSERM, à l'hôpital et avec l'université de Lille 2 mais si on ne fonctionne qu'avec des fonds publics, ça ne peut pas suffire. On arrose le désert avec un verre d'eau », constate le Pr Desreumeaux.
Créée avec deux partenaires industriels régionaux principalement (les sociétés Roquette et Lesaffre), la fondation DigestScience, reconnue d'utilité publique, a déjà réussi à lever 3,5 millions d'euros pour financer, dans les cinq ans qui viennent, des projets de recherche retenus par son conseil scientifique.
« Il sélectionne des programmes de recherche ambitieux et nouveaux pour mettre au point des traitements efficaces», précise le Dr Bernadette Lemaire.
« En complément des efforts de la recherche publique, les financements de notre fondation figurent parmi les plus importants au niveau international sur ces pathologies », se félicite la fondation.
Objectif affiché : « concentrer des fonds sur un laboratoire sélectionné pendant un an. Une manière d'éviter le saupoudrage », ajoute le Pr Desreumeaux.
25 laboratoires européens ont envoyé leurs dossiers à DigestScience, présentant leurs projets de recherche. Au final, c'est un programme sur la thérapie cellulaire dans la maladie de Crohn conduit par des équipes hollandaise et irlandaise qui a été choisi comme lauréat de la bourse DigestScience pour 2009.
Une priorité de santé publique
« Pour progresser nous avons besoin de projets nouveaux qui associent scientifiques, médecins et industriels de l'agroalimentaire et de la pharmacie », observe Lionel Bueno, docteur en biochimie et spécialiste de la physiologie de la nutrition pour qui « seule DigestScience peut aujourd'hui offrir à nos projets les moyens et les outils pour financer une recherche plus efficace et plus ciblée. »
DigestScience est donc allée chercher des partenaires du côté des poids lourds de l'agroalimentaire mais surtout des entreprises qui, elles-mêmes, développent des projets de recherche autour de la nutrition.
Ainsi Lesaffre, le leader mondial de la levure, qui travaille sur l'impact de la nutrition sur la santé (immunité, infection, inflammation, confort digestif, etc.) ou Roquette qui collabore déjà avec des chercheurs du monde entier sur la digestion, l'impact énergétique, le métabolisme.
Mais, au-delà de la recherche pure, la fondation DigestScience cherche aussi à donner une visibilité à ces maladies trop souvent cachées.
« Nous voulons qu'elles deviennent une priorité de santé publique dans la région, ce qui n'est pas encore le cas », regrette le Pr Desreumeaux pour qui « il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le statut des malades dans notre société ».
Un enjeu humain qui, comme la fondation, est lui aussi d'utilité publique.
E-mail : Florence Traullé
Nord Eclair
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