Le ministère de la santé a annoncé, lundi 11 juin, la suspension de l'activité de radiothérapie dans quatre centres hospitaliers universitaires à Montpellier, Nancy, Tours et à la Pitié-Salpêtrière (Paris). Cette décision a été prise après que la société Brainlab a informé le ministère d'un dysfonctionnement sur des appareils de radiothérapie stéréotaxique, permettant le repérage puis l'irradiation de lésions cérébrales. Un numéro national, le 0820-03-33-33 (12 centimes d'euros la minute) est ouvert depuis mardi 12 juin pour répondre aux demandes d'information des patients et de leurs proches. Environ 600 personnes seraient concernées.
La radiothérapie stéréotaxique est une technique de traitement non invasive, guidée par l'image. Les lésions intracrâniennes sont repérées en 3D, avec une précision millimétrique, avant d'être traitées par un faisceau de rayonnement. De ce fait, la rigueur du repérage est essentielle. Ce nouvel incident avec des appareils de radiothérapie consiste en "une déviation d'environ 1 millimètre du faisceau de rayonnement destiné à traiter des tumeurs et malformations très localisées du cerveau", précise le communiqué du ministère de la santé. Le décalage serait systématiquement de 1,25 mm, selon nos informations.
Le point de départ de l'affaire est en fait "la découverte par un centre de radiothérapie en Espagne d'un décalage dans les coordonnées spatiales de la zone cérébrale à traiter, entre la phase de détection de cette région et l'application du rayonnement", précise Jean-Luc Godet, de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). L'anomalie a été mise au jour lors d'un contrôle utilisant une autre méthode de calibration que celle de Brainlab.
Le constructeur a alors directement alerté, le 6 juin, les quatre CHU français utilisant le même type de matériel, avant de prévenir les autorités sanitaires françaises, le 8 juin. "C'est une démarche contraire aux usages", remarque M. Godet.
Par mesure de précaution, le ministère avait demandé, dimanche soir, "aux équipes hospitalières de tout le territoire de suspendre toutes les séances de radiothérapie en condition stéréotaxique prévues" employant ce matériel Brainlab. La vérification effectuée dans la journée de lundi par l'ASN et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a permis de constater que "seuls quatre sites s'avèrent concernés, le Centre Alexis Vautrin de Nancy, le CHU de Montpellier, le CHU Bretonneau de Tours et le CHU de la Pitié-Salpêtrière". L'ASN et l'Afssaps ont donc levé dès lundi soir la suspension d'activité pour les autres établissements. Le fonctionnement de leurs appareils n'est pas mis en cause.
Un autre type d'incident était survenu récemment au CHU Rangueil, à Toulouse, avec un appareil également fabriqué par BrainLab (Le Monde du 24 mai). Il s'agissait d'une discordance entre la dose d'irradiation prescrite et la dose délivrée, en raison d'un défaut présent depuis la calibration initiale de l'appareil. Un total de 145 patients avaient reçu des doses allant jusqu'au double de celles prescrites. Les doses n'auraient cependant pas dépassé les limites supérieures théoriquement applicables.
En octobre 2006 une série d'accidents survenus entre mai 2004 à août 2005 au centre hospitalier Jean-Monnet d'Epinal avait été révélée. Le bilan de l'Inspection générale des affaires sociales avait fait état de quatre décès et de vingt-quatre cas d'irradiation excessive. Une patiente était également décédée des suites d'un accident d'irradiation à Lyon.
"Une procédure individuelle d'information des patients est engagée. Un rendez-vous de consultation sera proposé à tous les patients traités dans les quatre sites identifiés", précise le communiqué du ministère. "Dans l'affaire actuelle, les risques sanitaires liés au décalage du faisceau vont être évalués cas par cas, en fonction de la pathologie de chaque malade", estime M. Godet. A la Pitié-Salpêtrière, deux tiers des patients étaient traités pour des tumeurs malignes.
Le constructeur Brainlab a adressé, le 4 juin, une note aux utilisateurs de ses appareils. Selon lui, aucune mesure corrective ne peut être apportée dans l'immédiat dans les quatre centres dont les appareils, tous datant de moins de deux ans, sont concernés par les dysfonctionnements. Une mise à jour du logiciel devrait leur être adressée en septembre.
Cependant, une réunion prévue mardi 12 juin entre les autorités sanitaires et la branche européenne de Brainlab devait envisager des mesures correctives plus rapides afin de faciliter la reprise de l'activité de radiothérapie dans les centres concernés.
Paul Benkimoun et Hervé Morin - http://www.lemonde.fr