Imaginez une chirurgie qui puisse se pratiquer sans anesthésie générale et ne laisse aucune cicatrice visible. Seul inconvénient, elle peut vous laisser un très mauvais goût dans la bouche, car c’est peut-être par là qu’on vous aura retirer la rate ou la prostate. La chirurgie transgastrique consiste en effet à faire passer des instruments chirurgicaux flexibles et une caméra à travers la bouche du patient pour atteindre la cavité abdominale via une incision effectuée dans la paroi de l’estomac. Une fois l’opération terminée, le chirurgien enlève par la bouche le tissu ou l’organe prélevé, puis recoud l’orifice pratiqué dans l’estomac.
A l’Ohio State Medical Center, aux Etats-Unis, dix patients se sont vu diagnostiquer un cancer du pancréas grâce à des techniques d’exploration par voie buccale, tandis que deux femmes, une à New-York, l’autre à Strasbourg, se faisaient enlever la vésicule par des chirurgiens utilisant une technique analogue – ils ont atteint la cavité abdominale par une incision dans le vagin. Comme toutes les formes de chirurgies, une intervention transgastrique n’est pas sans risque, car l’hémorragie interne est toujours possible.
En outre, pour pouvoir opérer aisément, les chirurgiens gonflent la cavité abdominale au CO2, qui peut entraîner des douleurs postopératoire. Mais le succès de ces opérations pourraient inciter de nombreux chirurgiens à recourir à cette technique, ce qui contribuerait à lever les derniers obstacles éthiques.
Bien qu’il faille inciser la paroi de l’estomac, l’opération est relativement indolore, car l’estomac est bien moins innervé que la peau. « Avec la laparoscopie classique, les patients sont en arrêt maladie pendant plusieurs jours » explique Lee Swanqtrom, directeur de l’Oregon Clinic de Portland, aux Etats-Unis, spécialisé dans la chirurgie gastro-intestinale et la laparoscopie. « Avec la chirurgie transgastrique, ils pourraient retourner travailler le jour même. » La douleur étant moindre, il est aussi possible de pratiquer cette intervention sous sédatif léger, et non plus sous anesthésie générale. Résultats, des patients âgés ou infirmes pourraient quand même être traités.
Passer par l’estomac pourrait aussi réduire le risque d’infections postopératoires, notamment celle du staphylocoque doré résistant à la méticilline (MRSA). « Si l’on n’incise pas la peau, le MRSA ne peut pas pénétrer dans l’organisme », assure Paul Swain, endoscopiste à l’Imperial Colege de Londres. Et, même s’il existe un risque d’infecter la cavité abdominale par des bactéries du tube digestif, des études réalisées sur l’animal indiquent que le risque est limité. « Le suc gastrique nettoie bien, peu de bactéries le supportent » ajoute Paul Swain. Voilà du moins pour la théorie. « On n’en est qu’au stade des hypothèses », commente Per-Ola Park, qui a mené des études sur la chirurgie transgastrique à l’hôpital universitaire Sahlgrenska de Göteborg en Suède. Certes des techniques très complexes ont été testées avec succès sur des porcs, mais il est difficile d’évaluer dans ces tests certains détails comme le niveau de douleur.
Toutefois, Paul Swain estime qu’il faut résolument poursuivre dans cette voie. « Si on leur donne le choix, les patients vont préférer ne pas avoir de cicatrices, et c’est bien normal », assure-t-il.
Duncan Graham-Rowe - New Scientist, Londres