Les cas de maladie de Crohn augmentent de façon significative chez les jeunes, au Québec. Cette maladie chronique très incapacitante frappe aussi de plus en plus tôt. Elle n’est plus exceptionnelle chez les enfants entre 5 et 10 ans et même des bébés en sont atteints.
Depuis un an, au moins deux nouveaux cas sont diagnostiqués chaque semaine par la Dre Colette Deslandres, directrice de la clinique de gastroentérologie pédiatrique de l’Hôpital Sainte-Justine à Montréal. Pour un total de 107 cas en 2006.
À Québec, les deux gastroentérologues pédiatriques attachés au CHUL ont enregistré 70 à 80 cas dans la dernière année, indique l’un d’eux, le Dr Luc Pelletier.
La tendance est à la hausse, disent-ils même s’ils n’ont que des données fragmentaires sur cette maladie, pour laquelle il n’existe pas de registre québécois, canadien ou nord-américain.
Le canada en tête
Le Canada se distingue déjà comme le pays où l’incidence de Crohn est la plus élevée au monde. En Amérique du Nord, l’incidence a quintuplé entre 1985 et 2000. Chez les adultes canadiens, il y a environ 10 000 nouveaux cas par année. Au Manitoba, l’incidence est de 200 cas dans une population de 100 000 personnes.
Jusqu’à récemment, cette maladie inflammatoire de l’intestin frappait surtout les jeunes adultes, âgés entre 15 et 35 ans. Elle s’attaque aujourd’hui à des bébés de quelques mois à peine.
« C’est un diagnostic qu’il ne faut plus écarter, même si ça demeure exceptionnel », dit le Dr Pelletier qui a eu un petit patient de trois mois, en novembre.
Le pic de la clientèle pédiatrique se situe cependant toujours entre 12 et 18 ans, ajoutait la Dre Deslandres, en entrevue.
La maladie de Crohn frappe le système digestif. Elle provoque une inflammation des tissus intestinaux qui forment des abcès et saignent facilement. Les personnes atteintes souffrent de douleurs abdominales, de crampes, de fatigue et de diarrhée. « C’est une des maladies chroniques les plus difficiles à gérer en pédiatrie, estime la Dre Deslandres, parce qu’on ne la comprend pas bien et qu’elle peut être très sévère et très handicapante. »
Comme les adultes
La sévérité des cas diagnostiqués chez les enfants, dans les dernières années, a amené les médecins à se tourner vers une médication jusqu’ici réservée aux adultes.
Mathieu Bossinotte, un adolescent montréalais de 17 ans, est l’un de ces jeunes traité au Remicade, avec l’approbation de Santé Canada. Le jeune homme a passé beaucoup plus de temps à l’hôpital qu’à l’école, il y a deux ans, au point de perdre une année scolaire. Il est en rémission grâce à ce traitement de « deuxième intention », approuvé seulement lorsque les soins standards ne marchent pas.
On y a aussi recours dans les cas de fistule (un canal de dérivation se crée entre l’intestin et une autre partie de l’abdomen) et quand on prévoit sectionner une partie des intestins.
Les médicaments de base, pour les jeunes, demeurent la cortisone, pour le contrôle de l’inflammation, et les immuno-suppresseurs.
« On n’a pas énormément de recul » avec le Remicade, dit la Dre Deslandres, mais « ça marche pour les cas sévères ». Les enfants « peuvent avoir la paix longtemps » lorsque la maladie est contrôlée. En entrevue, Mathieu raconte qu’il n’a plus de douleur et qu’il peut jouer au hockey pendant deux heures d’affilée.
Sans chirurgie
Cette médication apporte aussi l’espoir qu’on pourra peut-être écarter la chirurgie ; 70 % des personnes atteintes passent sous le bistouri à l’intérieur d’une période de 10 ans.
Le Remicade a cependant des effets secondaires : il peut provoquer des allergies, augmenter le risque d’infections virales ou bactériennes sévères et on a aussi constaté un faible risque de cancer du foie, lorsqu’il est combiné avec des immuno-suppresseurs.
D’autres médicaments biologiques en sont rendus à la phase des études cliniques. Et la recherche va aussi dans la direction des aliments anti-cancer.
Marie Caouette - Le Soleil - http://www.cyberpresse.ca