Microsoft HealthVault propose, dans un futur proche, de permettre aux patients et au grand public belge de sauvegarder leurs informations médicales en ligne.
Internet est en constante évolution. Ainsi, les plates-formes en ligne simples et statiques que nous connaissions dans les années 90’ ont laissées place aux sites Internet dynamiques et riches en services (gratuits ou payants) offerts par les institutionnels (les administrations communales, les Ministères, l’AWIPH, les Hôpitaux, les Mutuelles …) ou les acteurs privés (sites de e-business – Commerce en ligne).
Le secteur de la santé ne fait pas exception et aujourd’hui, le géant de l’informatique Microsoft s’apprête à tenter de conquérir la Belgique avec sa plate-forme « dossier médical personnel » en ligne : HealthVault.
Microsoft HealthVault, lancée en octobre 2007 aux Etats Unis (Voir notre article du samedi 13 octobre 2007 sur le sujet), permet aux patients et au grand public de sauvegarder leurs informations médicales en ligne. Historiques de santé, tests, informations sur les appareils médicaux (par exemple, un appareil cardiaque, contrôle de la glycémie, …) sont accessibles grâce à un mot de passe et un identifiant.
Le patient peut, s’il le souhaite, fournir un accès aux médecins, aux hôpitaux, aux pharmacies, fournisseurs de produits médicaux, aux Mutuelles, ainsi qu’aux compagnies d’assurance, tant pour coordonner son parcours médical que pour assurer, par exemple, le remboursement des soins.
Le service, loin de se cantonner à un rôle de stockage, vise à fournir des informations médicales aux utilisateurs. Les questions posées au moment de l’inscription (antécédents médicaux de la famille, problèmes de santé, allergies ou encore traitements en cours) permettent au site d’indiquer à l’utilisateur des liens vers des services susceptibles (Modules complémentaires) de lui fournir des informations complémentaires. Ces modules complémentaires sont choisis par l’utilisateur dans le panel limité de prestataires choisi par Microsoft.
Si HealthVault bénéficie du soutien d’une partie des utilisateurs des pays où le système est déjà offert, notamment parce qu’il réduit les dépenses et les risques d’erreur de prescription, il a également des détracteurs qui craignent la monétisation des données des patients.
Microsoft est loin d’être la seule société concernée par ce débat. Google propose également sa solution de conservation des données médicales en ligne à travers sa plate-forme Google Heath.
Comme pour Google Health, Microsoft développe cette plateforme essentiellement pour les services liés à la santé. Ils veulent tous deux encourager le développement de nouveaux services spécialisés sur les questions de la santé et chacun se positionne pour prendre au plus vite la place de e-leader sur ce créneau. A l’instar de Google, Microsoft signale qu’en Europe, ils ne sont que dans les prémices de ce type de marché.
Cela dit, on imagine bien que le potentiel est énorme, autant en terme de trafic généré, qu’en terme de monétisation parallèle : le marché des médicaments n’est pas loin de celui du dossier médical et Google pourrait très bien associer son service déjà existant Google Shopping pour proposer une interface entre les distributeurs (de médicaments et matériel médical) et les consommateurs (Patients et grand public). Microsoft pourrait peut-être suivre la même voie en permettant à ces partenaires de vendre directement des produits médicaux en ligne grâce aux modules complémentaire. (Technique du Cheval de Troie).
Bien que tout cela semble vraiment participer à la centralisation des informations médicales du patient par le patient lui-même, et qu’il est le seul à décider de valider le partage de ses informations avec l’entité de son choix, force est de constater que le projet Microsoft HealthVault pourrait, s’il n’est pas bien contrôlé, être un vrai danger pour les patients belges.
Les représentants de patients et les équipes de la Ligue des Usagers des Services de Santé (La L.U.S.S.) seront amenés prochainement à se positionner sur l’intérêt réel de permettre à des entreprises privées de stocker des données médicales confidentielles.
Nous trouvons le projet Microsoft HealthVault fort intéressant. Il ouvre de fabuleuses perspectives mais nous voulons, au travers de ces quelques lignes, vous communiquer nos craintes de voir s’accélérer le processus de privatisation et marchandisation de nos dossiers médicaux.
Nous pensons que nous devons participer aux débats liés au projet Microsoft HealthVault afin de garantir la liberté de choix des patients (liberté de changer de prestataires, de fournisseurs, de système de gestion de dossier médical …), la représentativité des patients et la non commercialisation des enjeux de santé publique. Il en va de l’avenir de la qualité, de l’équité et de l'accès pour tous aux soins de santé actuels et futurs.
Gageons que Microsoft saura garantir aux associations de patients le droit au suivit des travaux qui permettrons, peut-être un jour, de voir Microsoft HealthVault participer à l'amélioration dans notre pays de la transmition d'informations objectives et non commerciales entre les patients et les prestataires.
Lucio Scanu,
Président du Stoma Ilco Bruxelles – Wallonie asbl,
Président d’Europacolon Belgique asbl,
Administrateur du GIRTAC – VIBAST asbl,
Administrateur à la L.U.S.S. asbl,
Membre de la Commission fédérale « Droits du patient »,
Lucio Scanu - www.stomies.fr