Projet de directive européenne sur les soins de santé transfrontaliers : la Ministre de la Santé Laurette Onkelinx et les Mutualités Socialiste et Chrétienne tirent la sonnette d’alarme
Ce jeudi 23 avril, le Parlement européen prononcera sur la proposition de Directive européenne sur les soins de Santé transfrontaliers. Ce nouvel instrument européen risque d’avoir, en l’état, des conséquences dévastatrices pour nos systèmes de soins de santé, même si certains éléments sont positifs.
Ce projet ne s’adresse pas à la toute grande majorité des malades. L’actuel règlement 1408/71 couvre déjà le pensionné belge en Espagne, le touriste belge soudain malade en Italie, ou encore le travailleur belge blessé sur un chantier en Allemagne. La proposition de Directive, qui en dehors de ce Règlement, cherche à régler la mobilité d’un nombre, très restreint de patients (1% environ) va contribuer à créer un marché unique de la santé où seuls les plus fortunés auront accès. Cette fraction infime de patients fortunés sont les plus concernés parce qu’ils seront les seuls capables d’avancer les frais des soins et du déplacement, le remboursement par la Mutuelle s’effectuant après coup. Bien plus grave, elle risque de ne pas rencontrer les besoins des vrais patients transfrontaliers, mais surtout concerner les compagnies d’assurance acheteuses de paquets de soins pour leurs clients dans telle ou telle clinique ou hôpital à l’étranger.
Les systèmes de santé, leur qualité, leur financement, leur accessibilité, varient énormément entre les différents Etats membres. Pourtant la proposition de Directive ignore complètement ces différences et ne comporte pas d’instrument effectif de régulation des flux transfrontaliers de patients (autorisations préalables et mesures de sauvegarde) pour les soins hospitaliers et spécialisés, coûteux en infrastructure.
L’adoption d’une telle directive aurait pour conséquence l’incapacité pour chaque Etat membre de planifier l’offre de soins sur son territoire. On pourrait ainsi voir apparaître, là où elles n’existent pas, des files d’attente pour tel ou tel examen, telle ou telle intervention chirurgicale. En outre, une véritable médecine à deux vitesses risquerait de s’installer en Europe, sous l’effet d’assureurs privés spécialisés dans la couverture de patients transfrontaliers, dont des pourvoyeurs de soins pourraient choisir de privilégier la patientèle.
En permettant de tels flux incontrôlés de patients, la proposition de Directive risque de pénaliser l’Etat membre planifiant le plus soigneusement ses soins de santé, au profit d’un autre qui choisit de désinvestir dans l’infrastructure de soins et « exporte » ses patients au-delà de ses frontières. Elle risque par conséquence de pénaliser l’assuré national qui pourrait se voir préférer le patient d’un autre pays acceptant de payer plus cher et rubis sur ongle les soins reçus chez nous.
La Ministre de la Santé Laurette Onkelinx et les Mutualités Socialiste et Chrétienne sont préoccupés par la précipitation avec laquelle d’aucuns veulent faire adopter ce texte par un Parlement et une Commission en fin de législature, dans le contexte pré-électoral actuel ; ils invitent les Parlementaires européens à faire preuve de la plus grande vigilance devant les dangers que présentent cette directive. Le patient européen mérite mieux qu’une directive marchandisant les soins de santé au détriment d’une politique de soins de qualité et accessible à tous.
Laurette Onkelinx