Programmera-t-on bientôt l'ADN comme un banal logiciel informatique ? Ce qui, de prime abord, peut ressembler à de la science-fiction est quasi déjà une réalité.
« Nourriture, carburants, médicaments, vêtements, reproduction : tout est biologie, rappelait le Pr Christina Smolke (Stanford), cette semaine, lors de la réunion annuelle de l'Association américaine pour l'avancement des science (AAAS). Mais quand une molécule, un outil vient à manquer, nous voilà bien démunis. » Cela ne devrait bientôt plus être vrai. Du moins dans le domaine de la santé.
L'équipe du Pr Smolke, du département de bioïngénierie, travaille à la reprogrammation de molécules, en vue de les transformer en outils thérapeutiques de pointe. Un exercice de haute voltige dont le but est de mieux cibler certains cancers.
« Quand on compare une cellule cancéreuse à une cellule saine, on identifie des variations importantes de certains biomarqueurs comme les protéines, explique la scientifique. Plutôt que d'utiliser des thérapies globales, comme la chimiothérapie, qui s'attaque aux cellules malades mais aussi aux cellules saines environnantes, nous tentons de mettre au point des “molécules thérapeutiques”, spécialement programmées pour éliminer les seules cellules cancéreuses présentant des biomarqueurs inhabituels. »
Ce tour de passe-passe se concentre sur la reprogrammation des cellules outils via l'ARN, qui est le support temporaire de l'information génétique de la cellule et joue un rôle de guide ou de catalyseur pour les protéines.
« Au départ, nous imaginons quel programme devrait nourrir cette cellule-outil pour qu'elle reconnaisse sa cible et l'élimine. Une fois ce modèle mis au point informatiquement, nous reprogrammons une véritable cellule pour qu'elle fasse ce que nous désirons. »
La technique, développée à Stanford et à Caltech (California Institute of Technology), se concentre pour l'instant sur certains cancers : prostate et sein.
Le gros morceau de ces recherches porte actuellement sur la lutte contre les gliomes (cerveau et moelle épinière). « Je suis confiante, conclut le Pr Smolke. Nous progressons vite. Il y aura déjà des résultats tangibles dans cinq ans. »
Christian Du Brulle - Le Soir