Cinq heures du matin. Dans sa fourgonnette, le jambois Bernard Claes prend la direction de Strépy, dans la région du Centre. Son autoradio crache Jump, le tube de Van Halen. De l'énergie, ce livreur de médicaments en aura bien besoin tout au long de la journée.
Pour prendre toute la mesure d'une réalité qu'il nous annonce «stupéfiante», nous avons décidé de l'accompagner dès potron-minet. Un peu avant six heures, nous arrivons au dépôt d'Alpha Répartition, grossiste et distributeur de médicaments. La grille verte d'entrée est grande ouverte. Pas de guérite, pas de surveillance des allées et venues. Notre voiture et notre plaque n'attirent nullement les regards.
À l'arrière du bâtiment, de grosses caisses s'entassent. Elles contiennent des «retours», des médicaments invendus ou proches de la péremption. Mais toujours «consommables». Certains cartons sont même déchirés. «Regarde!», signale Bernard Claes. «On peut trouver aussi bien du Reflex Spray que du Cataflam. Il y a de tout», sourit-il, preuve à l'appui. Ces caisses parfois éventrées laissent entrevoir une orgie médicamenteuse. Certains de ces produits ne sont disponibles qu'avec une prescription du médecin. Ils sont pourtant là, à portée de main. Quasiment du premier venu.
Rohypnol, Captagon...
Le premier venu, c'est parfois aussi le cas du livreur de médicaments. «En fait, je travaille pour un sous-traitant. À aucun moment, on ne m'a véritablement demandé des documents d'identité, un certificat de bonne vie et moeurs...», souligne le Jambois. Et s'il avait été condamné pour trafic de stupéfiants?
D'ailleurs, la gestion de ce genre de substances sensibles n'est pas assurée avec une impressionnante rigueur. Au petit matin, les livreurs jettent un coup d'oeil sur leur feuille de route. On y retrouve des médicaments marqués de la lettre «S». Ceux-là, il faut aller chercher dans un autre coin de l'entrepôt. «Au petit matin, il n'y a personne à ce guichet. Et donc, on tape la main dans une caisse où se trouvent tous les stups», assure Bernard Claes. On a pu le constater également. «Il suffit juste de mettre son nom dans un petit cahier de brouillon...» Pas de caméra, pas de surveillance spécifique... Étonnant quand on sait que parmi ces produits, on retrouve notamment du rohypnol, du captagon et d'autres stups aux usages parfois «parallèles». C'est un peu la même pagaille pour les médicaments qui doivent impérativement rester au froid. «Quand on arrive, ils sont déjà dans nos bacs. Et pas au frais. Ce n'est que quand on part en tournée que l'on place ces médicaments dans les valisettes ou les frigos box. Et souvent, les blocs glaçons qui sont là pour refroidir n'ont même pas été placés au congélateur...»
On a pu mettre la main sur ces médicaments «frigo». Ils étaient à température ambiante, soit une bonne dizaine de degrés... Pas l'idéal.
Livré chez le libraire
Après le triage, le livreur prend la direction de Bruxelles. Là aussi, c'est pas triste. «Très souvent, nous arrivons avant l'ouverture des pharmacies. On a quelques arrangements. Chez un tel, on livre chez le libraire d'en face, chez un autre chez le marchand de pralines. Parfois, on dépose même les bacs au bas d'une cage d'escaliers, dans l'immeuble voisin de la pharmacie», signale Bernard Claes. Comme dans un moulin...
«Et puis, ça arrive aussi que l'on doive encaisser l'argent directement quand le client est considéré comme un mauvais payeur. On se trimbale donc, en ville, avec des produits stupéfiants et de l'argent sur nous. Sans aucune mesure de sécurité...»
Bernard Claes ne compte pas faire de vieux os dans le métier. On peut aisément le comprendre.(Actu24.be)
Samuel Husquin - www.actu24.be
Des vidéocapsules pour explorer le côlon. Les vidéocapsules, utilisées depuis une dizaine d'années pour examiner l'intestin grêle, sont en train...