Deux mille cinq cents spécialistes du cancer sont réunis à Genève pour le Congrès biennal de l'Union internationale contre le cancer (UICC).
Le point avec Franco Cavalli, oncologue et président de l'UICC.
ENTRETIEN
Vous avez été président de l'UICC pendant deux ans et passez le flambeau cette année à David Hill. Qu'est-ce qui a changé ?
Contrairement à ce que l'on croit, le cancer n'est pas une maladie des pays riches. Nous avons réalisé ces dernières années que le cancer devient un problème énorme. En particulier dans les pays pauvres où l'on constate une explosion des cas. On compte que 75 % des décès dûs à cette maladie surviennent dans les pays en développement. D'ailleurs, l'Organisation mondiale de la santé a mis la lutte contre le cancer au rang des priorités fin 2005. Avant, l'OMS mettait l'accent sur la lutte contre les maladies infectieuses. Or le cancer tue plus que le sida, la tuberculose et la malaria réunies. C'est pourquoi l'UICC a décidé de consacrer son effort principal aux pays en développement. Et notre prochain congrès aura lieu à Pékin.
Est-ce que la prévention a fait des progrès ?
On a toujours su que la moitié des cas de cancer ont des causes évitables. Mais on a réalisé plus récemment qu'après le tabac et les infections (elles causent un tiers des cancers dans les pays pauvres), l'obésité et le manque d'activité physique sont responsables de la majorité des cancers. Si bien que notre campagne 2009 sera ciblée sur l'obésité.
Cela concerne donc les pays riches ?
Pas du tout. C'est surtout dans les pays pauvres, récemment industrialisés, que l'obésité cause des dégâts, tels que des cancers mais aussi le diabète et les problèmes cardiaques. Tout se passe comme si, dans ces pays, le corps des gens s'adaptait moins bien à l'obésité.
Et le tabac ?
Nous avons enregistré des succès importants. En particulier avec la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, signée par 178 pays. Dans les pays riches, la fréquence des tumeurs pulmonaires a diminué chez les hommes mais elle est encore en augmentation chez les femmes. Mais on a calculé que si les Chinois continuent à fumer au même rythme, en 2020 ils compteront trois millions de morts par cancer du poumon par an. En Afrique, il y a pour l'instant peu de victimes de ce cancer, mais l'industrie du tabac est en train de faire de grands efforts pour se développer sur ce continent.
Quelle solution apporter ?
En 2000, il y avait onze millions de cas de cancer ; en 2020, il y en aura 18 millions ; et en 2030, 27 millions. Cela sans parler de l'augmentation des risques. Nous allons faire une déclaration samedi qui dira que les plans nationaux constituent la meilleure arme pour lutter contre cette évolution, en particulier dans les pays pauvres. En Suisse, où se tient le congrès, ce serait nécessaire pour améliorer la coordination. Aujourd'hui encore, certains cantons suisses remboursent les mammographies de dépistage et d'autres pas.
Et les médicaments ?
Cela va être un des grands thèmes de discussion. Les coûts des traitements explosent, même en Europe occidentale, cela devient difficile à payer. Dans les pays aux ressources limitées, c'est impossible. C'est particulièrement grave pour le vaccin permettant de prévenir le cancer du col de l'utérus. Un demi-million de ces cancers sont diagnostiqués chaque année et trois cent mille femmes en meurent. C'est un peu comme pour le sida, où des millions de personnes touchées ne peuvent se payer le traitement. Ce dossier est assez explosif.
Le Financial Times lui-même a récemment constaté que l'industrie pharmaceutique ne peut justifier le prix des nouveaux médicaments anticancéreux par le coût de production.(Le Soir)
Marie-Christine Petit-Pierre, Le Soir - www.lesoir.be