Une vaste enquête dresse un état des lieux du vécu des patients. Un tiers des personnes interrogées estiment la prise en charge médicale et le contenu des informations reçues très satisfaisantes.
Il y a près de dix ans, les États généraux organisés à l'initiative de la Ligue nationale contre le cancer avaient créé le choc dans l'opinion. Pour la première fois des personnes ayant pris de plein fouet l'annonce souvent brutale de la maladie, subi des traitements longs et douloureux, affronté les non-dits ou alors la brusquerie des soignants… dressaient un véritable réquisitoire sur la façon dont ils avaient été traités et certains véritablement mal traités.
Une décennie après, l'Inserm (UMR 912 sous la direction du Pr Jean-Paul Moatti), le département études du ministère de la Santé, la Ligue et l'Institut national du cancer, (Inca) publient pour la première fois «l'ensemble des résultats de la première grande enquête représentative de l'ensemble des malades», réalisée auprès de 4 270 adultes, fin 2004-début 2005, sur leurs conditions de vie deux ans après le diagnostic de la maladie.
Risques d'infertilité
Cette enquête très fouillée (1) rendue publique aujourd'hui représente donc une référence incontournable sur la situation des malades, avant le lancement du plan cancer 2003-2007 mis en œuvre à l'initiative du président Jacques Chirac. Rappelons que l'on estime aujourd'hui à plus de deux millions le nombre de personnes ayant été traitées pour un cancer. Et qu'en 2005, on a recensé 320 000 nouveaux cas (et 146 000 décès)
Au niveau des relations avec les soignants, un tiers des patients estiment la qualité de la prise en charge médicale et les informations reçues très satisfaisantes et les trois quarts jugent qu'il est plutôt facile d'obtenir de l'information. Curieusement, ni la nature des traitements ni la localisation cancéreuse et le pronostic n'influent sur leur niveau de satisfaction. Les personnes les moins satisfaites par les relations avec le système de soins (6 %) sont celles qui cumulent les difficultés morales, matérielles et psychologiques.
Au niveau de l'information, l'enquête met en exergue un point crucial, celui sur les risques d'infertilité induits par les traitements. Un sujet encore trop souvent passé sous silence. Comme la survenue d'un cancer chez une femme qui n'a pas encore eu d'enfants n'est pas exceptionnelle, celles qui ont entre 40 et 44 ans déplorent plus souvent ce manque d'information que les plus jeunes. Et parmi les hommes devenus infertiles, 13 % déclarent de pas avoir été informés de ce risque et ne pas avoir bénéficié d'une conservation par le froid de leur sperme avant le début du traitement.
L'implication des patients dans la stratégie de soins les concernant est inscrite, noir sur blanc, dans le plan cancer. Si plus d'un sur deux (55 %) jugent avoir pu participer à la décision thérapeutique, près des deux tiers déclarent leur participation ou leur non-participation conforme à leurs attentes : 27 % se disent en effet soulagés de ne pas avoir été véritablement impliqués. Autre fait marquant, appartenir aux classes d'âge extrême et avoir un faible niveau d'études augmente la probabilité de ne pas souhaiter un tel engagement personnel dans les décisions : «Docteur faites pour le mieux, je vous fais entièrement confiance.» D'où l'importance pour les soignants de savoir s'adapter à chacun.
S'adapter à chacun
L'aspect psychologique est lui aussi essentiel. Au moment du diagnostic, 11 % ont eu recours à un soutien par un professionnel (une fois sur trois à leur initiative et deux fois sur trois dans le cadre d'un suivi global organisé). Mais 18 % n'en ont pas bénéficié alors qu'ils l'auraient souhaité. Ce sont plutôt les femmes, les moins de 70 ans, les patients ayant à déplorer une annonce brutale qui sont les plus demandeurs. La localisation du cancer influe aussi : ceux qui souffrent d'une leucémie, d'un cancer du poumon ou des voies aérodigestives supérieures sont plus désireux d'une aide psychologique.
Qui sont ces patients qui se disent guéris ? À cette question, a priori saugrenue, deux ans seulement après le diagnostic, 43 % répondent par l'affirmative. Mais presque autant 42 %, par la négative. Une bonne qualité de vie, la perception d'un retour à la normale, tant sur le plan de la réinsertion sociale, et en particulier professionnelle, que de la vie intime participent de ce sentiment de guérison.
(1) Confiée à la Directionde la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques au ministère de la Santé.
Catherine Petitnicolas - www.lefigaro.fr